Les fantômes français de la restorative justice:L’institutionnalisation conflictuelle de la médiation
Le concept de restorative justice est en France relativement peu connu, voire ignoré, par les
universitaires comme par les praticiens. Les raisons de cette méconnaissance sont diverses.
La première est linguistique. Le concept a été forgé dans les pays anglophones et il n’existe
pas d’ouvrage spécifiquement consacré à la restorative justice en langue française. Les
quelques ouvrages ou articles de revue qui en évoquent le contenu le font de façon accessoire
(Cario 2001, Faget 1997). La deuxième raison est historique et politique. La restorative
justice a pris naissance dans des pays très fortement marqués par la colonisation (Australie,
Nouvelle Zélande, Etats-Unis, Canada) dans lesquels la justice étatique post-coloniale fut
incapable de solutionner autrement que par la répression l’inadaptation des peuples
autochtones. Face à cette impasse la revalorisation de traditions normatives communautaires
fut un moyen de faire droit aux revendications identitaires de ces peuples (Jaccoud 2003). Or
le contexte colonial français, pour des raisons économique et politiques qu’il serait trop long
d’évoquer ici, est fort différent. La troisième raison est institutionnelle. Le modèle français de
« social justice », construit à partir de 1945, fut à l’avant-garde des systèmes occidentaux
(Faget 1992) et, même s’il s’est essouflé, les praticiens (juges des mineurs, travailleurs
sociaux) gardent le sentiment qu’ils possèdent un éventail suffisant de mesures éducatives et
n’expriment pas le désir de rechercher ailleurs de nouvelles méthodes d’action. La quatrième
raison de cette ignorance est conceptuelle. Vu de France ou des pays francophones le concept
de restorative justice paraît, à ceux qui le connaissent, trop confus pour être diffusé. Conçu
d’abord en opposition au système punitif (Zehr 1990), puis au modèle thérapeutique et
éducatif (Walgrave 1994), on ne sait pas vraiment s’il doit être compris comme une volonté
réformiste d’humaniser les réponses judiciaires (ce que laisse supposer l’expression
restorative justice), comme une stratégie de lutte contre les fondements expiatoires du
système pénal ou comme l’ambition de disséminer les pratiques restauratives dans tous les
domaines de la vie sociale.
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